SLAPP: Les procédures-bâillons contre les journalistes et les ONG augmentent
Les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives, aussi appelées «poursuites stratégiques altérant le débat public», sont en hausse dans le monde entier. Elles mettent en péril la liberté d’expression et de la presse et s’attaquent aux piliers de la démocratie. Ces «poursuites-bâillons» menacent ainsi le débat public et réduisent au silence les personnes ou les organisations s’exprimant sur des sujets d’intérêt public. Elles empêchent les ONG et les médias d’accomplir leur mandat d’information et mobilisent inutilement des ressources. Elles peuvent aller jusqu’à ruiner leurs cibles financièrement. En avril 2022, la Commission européenne a publié une proposition de directive sur les poursuites-bâillons. En Suisse, les voix critiques émanant de la société civile et des médias ne sont pas suffisamment protégées.
À la différence d’une plainte ordinaire pour atteinte à la personnalité, les poursuites-bâillons cherchent à intimider leurs cibles, le résultat de la procédure judiciaire leur important peu. Les poursuites-bâillons sont particulièrement agressives et disproportionnées. En général, la partie requérante profite d’un déséquilibre économique: ainsi de riches entreprises, oligarques ou personnalités politiques attaquent en justice des médias et des membres de la société civile. Les poursuites-bâillons empêchent ainsi les voix critiques de s’exprimer et les soumettent à une pression financière.
Un article paru en mars 2022 explique en quoi les poursuites-bâillons entravent la liberté d’expression et de la presse des ONG en Suisse. En avril 2022, un sondage effectué par l’œuvre d’entraide EPER auprès de 11 ONG suisses a mis en évidence que les plaintes abusives à l’encontre d’ONG suisses sont en hausse. Avant 2018, seule une ONG a fait l’objet d’une telle plainte. L’enquête qualitative d’EPER révèle que depuis 2018, douze poursuites-bâillons ont été intentées à six ONG. De plus, plusieurs ONG ont reçu des menaces de plaintes. Les poursuites-bâillons touchent également les médias, comme l’a révélé l’association Médias suisses dans sa newsletter en octobre 2022.
En avril 2022, la Commission européenne a publié une proposition de directive sur les poursuites-bâillons. En Suisse, les voix critiques émanant de la société civile et des médias ne sont pas suffisamment protégées. Ainsi, le conseiller national et juriste Raphaël Mahaim a déposé en mai 2022 une initiative parlementaire pour l’adoption de bases légales contre les poursuites-bâillons. Dans son intervention, il souligne l’importance d’un tel cadre légal pour la protection de la liberté d’expression et de la presse, et suggère de s’inspirer des initiatives de l’Union européenne. Une meilleure protection contre les plaintes abusives soulagerait grandement les journalistes d’investigation et le personnel des ONG, les soutiendrait dans leur rôle de «chien de garde», fondamental pour la démocratie, et permettrait d’épargner les ressources des tribunaux et des ONG.